Grâce à une entente survenue, en 2007, entre la SHQ et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), près de la moitié d’une somme de 9 millions $ permet aux offices, aux Centres de Services de Santé et de Services (CSSS ) ou à des groupes communautaires d’embaucher du personnel pour assurer un soutien individuel ou collectif aux locataires de HLM.
La FLHLMQ a rencontré deux organisateur-trice-s communautaires intervenant en HLM depuis de nombreuses années, Yanik Tourigny, de Saguenay, et Josée Ouimet, de Saint-Jean pour connaître leurs points de vue sur leur utilité.
Quelle est votre philosophie de travail ?
Yanik : Je travaille avec les locataires selon une approche d’empowerment, de gain de pouvoir. L’objectif de cette approche est de permettre à tous et à toutes de prendre du pouvoir sur leur vie afin d’en améliorer ses conditions et ensuite de travailler à rendre la société meilleure.
Pour résumer cette approche, un auteur, Bill Ninacs, en ressort quatre éléments essentiels.
- La participation : impliquer les gens dans les différents processus que demande une action.
- La connaissance : permettre aux gens d’acquérir de meilleures connaissances et développer de nouvelles habiletés telles que « tiens je suis capable de faire des pv, de faire le budget, d’animer, etc. »
- Le troisième élément est l’estime de soi : permettre aux personnes de prendre confiance en soi, de s’apprécier, de découvrir des forces par l’action et la connaissance.
- Le quatrième élément est la conscience critique : être capable de dépasser sa situation personnelle, d’analyser les problèmes comme étant de nature sociale et non pas juste individuelle, de poser des actions pour favoriser des transformations sociales. En fait, c’est soutenir les personnes pour qu’elles trouvent elles-mêmes les moyens nécessaires de changer une situation inconfortable ou nuisible.
Je vais vous donner un exemple. Au début, lors des rencontres du CCR, les locataires réglaient leurs problèmes de cohabitation en faisant des pétitions contre les locataires qui dérangeaient. Avec les années, à travers différentes actions, les femmes ont pris conscience que ce n’est pas en expulsant les personnes ayant des difficultés que l’on règle les problèmes. Elles ont pris de l’assurance et ont acquis des habiletés et des connaissances.
Puis, l’an dernier, elles ont réalisé une journée de réflexion avec les employés de l’OMH et des locataires sur « le respect ». Elles ont dépassé leurs situations personnelles afin de travailler sur un problème social, soit le manque de respect qui se vivait dans les HLM et non l’expulsion automatique des personnes dérangeantes.
Pour pratiquer ce genre d’approche, il faut être prêt à déranger, à bousculer l’ordre établi, à vouloir changer les choses. Ce qui est plus facile pour un organisateur communautaire puisque cette approche fait partie de son coffre à outils. Mais pour une personne qui travaille directement à l’OMH, cela devient plus contraignant d’affronter ses patrons, de requestionner les façons de faire.
Il se fera rappeler rapidement qui lui signe son chèque.
Josée : Je crois que les milieux possèdent des richesses souvent inutilisées.
Je crois que les milieux ont en eux tout le potentiel pour trouver des solutions collectives aux problèmes individuels que vivent plusieurs de leurs membres. Je crois qu’en soutenant un milieu dans un processus de prise en charge, cela se répercutera autant sur le groupe que sur les individus qui composent ce groupe.
Les locataires de HLM ont beaucoup de potentiel, ce sont souvent des gens imaginatifs, débrouillards, persévérants, qui savent ce qui est bon pour eux, ils ont parfois juste besoin d’un petit coup de main, d’un peu d’encouragement pour réaliser de grandes choses. Plus nous allons les impliquer dans la recherche et mise en place de solutions, plus ils développeront une estime d’eux-mêmes et plus ils se mettront en mouvement pour améliorer leur qualité de vie individuelle et collective.
Comment le personnel des offices doit-il agir ?
Josée : Les OMH peuvent assurer un soutien aux personnes qui ont des problèmes individuels en engageant des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux qui auront comme mandat de faire du dépistage, de la médiation, de la référence. Cependant, ces employé-e-s ne doivent pas se substituer aux services de santé et les locataires ne devraient pas se sentir obligés de faire affaire avec ces personnes. Pour ce qui est de l’intervention collective, je pense que le personnel de l’OHM devrait intervenir en ayant confiance aux associations et aux bienfaits de leurs actions dans le milieu, en croyant au potentiel des locataires pour trouver et mettre en place eux-mêmes les solutions à leurs problèmes et en exerçant une fonction de support et non pas de contrôle.
Yanik : Il est fréquent que des membres du comité ou des participant-e-s à un projet vivent des situations personnelles difficiles qui affectent négativement leurs comportements lors des activités. Dans ces situations, il est nécessaire de faire un peu d’intervention individuelle pour assurer le bon fonctionnement de l’activité. Par contre, lorsqu’il s’agit de chicane entre voisins ou qu’une personne a un problème plus important, là, un travailleur social de l’OMH s’en occupe. Ce qui est très bien. À notre OMH, les locataires sont satisfaits des travailleuses sociales de l’OH. On peut également référer les gens dans un organisme communautaire.
Est-ce que le lien d’emploi est une limite à l’intervention en HLM ?
Yanik : Je ne crois pas qu’une personne employée par l’OMH peut faire un travail équivalent à une personne externe, dans une approche d’empowerment. Évidemment, soutenir l’organisation des loisirs c’est autre chose et cela peut se faire par l’OMH. Par contre, pour faire un réel travail de prise en charge de son milieu de vie et de leur avenir, il faut que les gens puissent avoir le pouvoir de choisir avec qui ils veulent travailler. Pour faire mon métier ça prend un ingrédient primordial, soit la confiance.
Josée : Le lien d’emploi peut être une limite, surtout dans le support à la mission défense des droits. Il peut être fort tentant pour un OMH de faire exercer une fonction de contrôle à l’intervenant-e et ainsi le lien de confiance risque d’être très difficile à établir entre l’intervenant et les locataires. Peu importe notre employeur, en tant qu’intervenant communautaire, nous devons être redevables aux groupes avec lesquels nous travaillons, car c’est de ces groupes que nous proviennent nos mandats.
Yanik : Il n’est pas sain pour une organisation de travailler en étant refermée sur elle-même, d’intégrer toutes les professions.
Je crois que pour être efficace on doit favoriser un travail d’équipe et de partenariat avec les autres acteurs du milieu. Ainsi, les locataires auront davantage de ressources, davantage de possibilités de participer, d’acquérir de nouvelles habiletés, de développer une meilleure estime de soi, un meilleur esprit critique et de participer à améliorer leur société.
Petit lexique
Intervention individuelle : Favoriser le maintien des personnes moins autonomes en HLM par différentes actions telles que le dépistage des personnes vulnérables, la référence et accompagnement de locataires en perte d’autonomie, assurer la mise en place de services adéquats, etc.
Intervention communautaire : L’action communautaire (...) désigne une forme de support organisationnel ou professionnel qui consiste à sensibiliser, à structurer et à organiser un milieu pour que celui-ci apporte une solution collective à un problème lui-même perçu comme collectif. Elle mise sur la capacité des collectivités à se prendre en charge (...) elle repose sur le principe que des solutions collectives doivent être apportées aux problèmes dans leurs dimensions sociales et collective (voir : FCSCQ, 1991, p. 12 et 13).