BUREAU D'ENQUÊTE du Journal de Montréal
PASCAL DUGAS BOURDON/ AGENCE QMI
Mercredi, 2 août 2023 00:00
Le nombre d’habitations à loyer modique (HLM) jugées en «très mauvais» état a augmenté de 27% en aussi peu que 14 mois, une situation qu’une association de locataires attribue au «laxisme» du gouvernement Legault en matière d’habitation.
Selon des données obtenues puis comparées par notre Bureau d’enquête, le nombre de logements cotés E – la pire note – est passé de 10 582 en mai 2022 à 13 400 en juillet dernier, sur un total d'environ 71 500.
Cela représente presque un logement sur cinq au Québec. Sur l’île de Montréal, c’est deux sur cinq.
«Le recul dans la rénovation du parc de HLM, le gouvernement de la CAQ en est responsable. Ils ont dormi au gaz», déplore Robert Pilon, porte-parole pour la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ).
Parmi les enjeux touchant les HLM cotés E, on trouve notamment de la moisissure, une mauvaise isolation, une toiture en fin de vie et des fenêtres délabrées, donne comme exemple la FLHLMQ.
Baisse des investissements
Au cours de son mandat, de 2015 à 2018, le gouvernement libéral de Philippe Couillard prévoyait chaque année un budget de 343,4 M$ pour la rénovation des HLM. En 2020, cependant, le gouvernement Legault a réduit ce montant à 300 M$, un rythme qu’il a conservé pour les années 2021 et 2022, confirment les chiffres de la SHQ.
«On n’accote même pas le budget d’il y a cinq ans, mais le coût des rénovations a doublé, voire triplé», déplore M. Pilon.
Selon lui, ce manque d’investissement a contribué à la crise du logement, puisque 4000 logements sont en si mauvais état qu’ils ne peuvent être habités.
C’est sans compter ceux qui se résignent à habiter ces logements délabrés, mais qui en souffrent (voir autre texte).
Espoir
La mise en place d’un nouveau programme de rénovation en juin dernier permet d'espérer que la situation s’améliorera. Quelque 2,2 G$ seront disponibles au cours des prochaines années pour rénover les HLM, en vertu d’une entente entre Québec et Ottawa.
«On en est très heureux, mais c’est un énorme défi pour la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau. On n’est pas convaincus qu’elle a à cœur la rénovation rapide des HLM. Elle doit maintenant faire ses preuves», affirme M. Pilon, qui déplore que la ministre ait jusqu’à présent refusé de rencontrer son organisation.
Pour sa part, la Société d’habitation du Québec (SHQ), l’organisme public responsable du financement des rénovations des HLM, se dit «bien au fait de l’état du parc», mais se défend de compromettre la santé des locataires.
Elle soutient qu’une cote E ne signifie pas d’emblée que l’endroit est dangereux et insalubre, mais plutôt que le coût projeté des rénovations équivaut à plus de 30% de la valeur de l’immeuble.
De son côté, le cabinet de la ministre Duranceau indique que la SHQ prévoit allouer cette année 588 M$ pour la rénovation des HLM.
SON HLM LUI FAIT HONTE
Une résidente d'un HLM de Montréal a tellement honte de l'état de son logement qu'elle n'ose plus recevoir ses proches chez elle.
«J’aimerais ça, avoir quelque chose de beau, de propre, de décent. J’aimerais inviter des gens chez moi, mais... il fait très chaud et ça sent la moisissure», se désole Suzanne Payant, qui habite un HLM «très mauvais» de l’arrondissement du Sud-Ouest.
Dégâts d’eau à répétition, murs et plafonds placardés, planchers défraîchis; cet immeuble rue Notre-Dame est loin d’inspirer bien-être et confort.
Mur qui bouge
Dans le logement de Jimmy, un des murs renfonce vers l’extérieur à la moindre pression, a pu constater notre Bureau d’enquête.
«Quand il y a des coups de vent, le mur bouge. Des fois, j’ai peur qu’il tombe en bas», raconte celui qui habite ce logement depuis huit ans.
Au quatrième étage, un logement est inhabité, malgré les besoins criants pour se loger à peu de frais. Et pour cause, il a été ravagé par un incendie.
«C’était il y a un an et demi, et ce n’est toujours pas réglé», déplore Mme Payant.
Vouloir partir
À quelque 150 km de là, en Estrie, Mario Girouard déplore la désuétude du logement qu’il habite. Entre la salle de bain tachée de moisissure et les murs si fins «qu’on peut entendre ses voisins uriner», il rêve de «sacrer son camp».
«Je trouve ça dur. Mais je n’ai plus l’énergie pour me battre contre ce système-là», laisse tomber le résident de Val-des-Sources, dont le logement est coté D (mauvais).
QU’EST-CE QUE LES HABITATIONS À LOYER MODIQUE (HLM)?
- Construites au Québec de 1969 à 1994.
- 71 500 logements à travers la province.
- Pour les personnes à faible revenu, mais autonomes.
- Loyer subventionné correspondant à 25% du salaire brut