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L'expérience des concierges-résidants

Soumis par Rédaction le

Sur la question stratégique de s’assurer que le regroupement des petits offices permettra non seulement de maintenir les services de proximité mais de les améliorer, notre fédération a été grandement impressionnée lors des consultations par l’expérience des concierges-résidants. Cette option devrait être sérieusement étudiée dans l’organisation du travail, surtout en région éloignée, puisqu’elle donne de bons résultats selon plusieurs locataires et directeurs.

(sur la photo: Michel Sourdif, Claude Arcoragi et Luc Granger de l'OMH de Saint-Jacques)

Cette pratique qui n’est pas reconnue dans le guide de gestion et qui n’est pas recommandée par les conseillers en gestion existe pourtant dans beaucoup de régions du Québec, notamment à Matane dans le Bas-St-Laurent, à Saint-Ours en Montérégie, dans quatre immeubles de Sherbrooke, dans une dizaine d’immeubles à Québec et sous la forme de locataires-surveillants dans une soixantaine d’immeubles à Montréal. Voici deux témoignages plus précis sur l’utilité de cette formule.

À Saint-André-d’Argenteuil, dans les Laurentides, Germain Gagné, 77 ans, entretient et prend soin, depuis près de huit ans, de l’immeuble HLM de 15 logements qu’il habite.  À titre de concierge-résidant, il est rémunéré quatre heures par semaine pour assurer l’entretien ménager des espaces communs.

« Les autres locataires savent que je suis disponible de mon levée jusqu’à midi tous les jours, souligne M. Gagné.  Le jeudi, je m’occupe du ménage des planchers, des salles de lavage et de la salle communautaire.  Le lundi, j’amène au chemin les vidanges et le recyclage ».  L’hiver, Germain s’assure de déneiger les accès piétonniers du HLM et de mettre du sel.

Lorsque quelque chose ne va pas dans l’immeuble, les autres locataires s’adressent à lui.  Dans le cas de menus travaux, comme par exemple changer des luminaires, il s’en occupe.  Dans les cas plus compliqués, qui nécessitent l’intervention d’un plombier ou d’un électricien, par exemple, il en informe le directeur et discute de la situation et des correctifs à apporter. Lorsque des contracteurs viennent réaliser des travaux, Germain les accueille et s’assure que les choses se déroulent bien. Il explique qu’il est les yeux et les oreilles de l’office et qu’il jouit d’une excellente collaboration avec le directeur. « Il compte sur moi et me fait confiance », souligne Germain. Il lui arrive parfois d’agir comme premier répondant en cas de chutes ou de dépanner durant la nuit des locataires ayant oublié leurs clés.

Lorsqu’on lui demande pourquoi il s’implique ainsi, il répond qu’il est fier de pouvoir venir en aide aux gens autour de lui et que cela assure une tranquillité d’esprit surtout à ceux et celles qui ont moins d’autonomie.

Trouve-t-il difficile de vivre dans l’immeuble où il travaille ? Germain répond que les gens apprécient son travail et sont respectueux des limites qu’il a établies.    « Tout le monde sait que l’après-midi j’ai besoin de prendre une grande marche dans la belle nature que nous avons à Saint-André !»  Continuera-t-il son beau travail ? « Cela dépendra de la manière dont je serai traité dans le cadre de la réorganisation des offices »  de répondre Germain.

Le directeur de l’office, Marcel St-Jacques, considère utile de pouvoir compter sur la présence d’une ressource qui est présente dans l’immeuble.  Il peut procéder en temps réel aux travaux. 

À Saint-Jacques, dans Lanaudière, Michel Sourdif et Luc Granger se partagent les tâches d’entretien de leur immeuble de vingt logements pour personnes âgées.  « Je suis content de faire le ménage de la bâtisse, affirme Michel, ça m’occupe et ça m’aide dans mon budget.  Je travaille à mon rythme, un peu chaque jour, pour garder cela propre ! »  De son côté, Luc est en charge des menus travaux, du déneigement des accès, des bacs de recyclage et il accueille les contracteurs qui ont affaire dans l’immeuble, surtout qu’il connait tout le monde dans la localité.

Le directeur, Claude Arcoragi, est fier de pouvoir déléguer à des résidants certaines responsabilités. « Notre gestion participative nous permet d’avoir des gens de confiance sur place en permanence pour assurer la sécurité des lieux et répondre aux besoins de nos locataires.  Ils sont salariés et couverts par la CSST. Je délègue intelligemment en tenant compte des forces et des compétences de mes locataires mais aussi de leurs limites. J’offre à contrat à l’externe les tâches qu’ils ne pourraient pas occuper.»

Inclure cette option dans le guide sur les regroupements

Plusieurs éléments de réflexion, nous permettent d'affirmer que la façon d'entretenir le parc de logement public au Québec devrait être revue pour inclure, notamment dans une perspective de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, l'opportunité pour les résidant-e-s de pouvoir s'impliquer dans l'entretien et la conciergerie de leur propre habitat.

  • Dans la conclusion du Rapport d'évaluation du programme HLM, il est mentionné que près du tiers des locataires sont peu ou pas du tout satisfaits de l'entretien du terrain et des espaces communs, particulièrement dans les grands offices. Pourtant de 1997 à 2008, en dollars constants, les dépenses d'entretien et de conciergerie ont augmenté de 7 %. Il s'agit d'un budget global de plus de 70 M $ pour l'ensemble des offices.
  • Depuis des années, aux quatre coins du Québec, les locataires de HLM revendiquent d’avoir des concierges résidants afin d’avoir de meilleurs services de proximité. De son côté, le plan de lutte à la pauvreté du gouvernement du Québec affirmait qu’il fallait cibler les HLM où résident 27 000 ménages vivant de la Sécurité du revenu, dont les deux tiers sont sans contrainte sévère à l'emploi.
  • Sur le terrain, autant les expériences où les offices sous-traitent les tâches d’entretien faites par les locataires à des organismes communautaires comme à Trois-Rivières, Drummondville et Lévis que celles où les offices rémunèrent et supervisent directement les locataires sont très positives. Le travail est bien fait par des gens qui ont à coeur leur immeuble, les autres locataires respectent plus le travail ainsi accompli par leur voisin ou voisine. Les coûts sont raisonnables, ces quelques heures salariées représentent beaucoup pour des personnes qui sont loin sous les seuils de pauvreté et, par ailleurs, l'office récupère près de 25 % du salaire versé en loyer supplémentaire.
  • Cette contribution permet à plusieurs locataires d'améliorer leur sort, en se valorisant sur le plan social et économique, en travaillant 1 ou 2 heures, par jour, à l'entretien de leur cage d'escalier ou de celles de leurs voisins, pour gagner le 200 $ par mois, permis par les règles de la Sécurité du revenu. Ce salaire déclaré représente 185 $ pour eux et 15 $ en augmentation de loyer pour l'office.
  • Des centaines de coopératives et d'OBNL en habitation appliquent déjà avec succès cette politique avec sensiblement la même clientèle.
  • Cette pratique est déjà largement répandue dans les HLM en Wallonie, comme nous avons pu le constater en 2006 lors d’une visite organisée dans le cadre de l’entente de partenariat entre la SWL et la SHQ. Ainsi à Apt, un office de 1 350 logements, la société favorise l’embauche de «femmes de ménages» habitant sur place. Le service est bien meilleur et les voisins collaborent car ils connaissent et apprécient les efforts de la personne. À Herstal, un office de 1 900 logements, les locataires font le nettoyage à tour de rôle des espaces communs. Une liste est affichée pour établir les différentes tâches, les standards et la rétribution. La supervision est assurée par un contrôleur de l'office.