La Régie du logement a récemment rendu des décisions importantes sur plusieurs questions concernant les droits des locataires en HLM:
- L’office peut-il entrer chez vous sans votre accord?
- Doit-on peinturer son logement avant de le quitter?
- Un trouble de voisinage peut-il conduire à une diminution de loyer?
L’office peut-il entrer chez vous sans votre accord?
Sauf cas d’urgence, un locateur (dont l’OMH) ne peut entrer dans le logement d’un locataire sans l’accord de ce dernier et ce, même si un avis lui a été dûment signifié. C’est la décision que Marc Lavigne, juge administratif de la Régie du logement, a rendu le 24 mars 2017 dans l’affaire Buisson c. OMH Haut-Richelieu.
Le locataire n’était pas présent au moment de la visite, ayant un rendez-vous médical. L’OMH a plaidé avoir remis à Sylvain Buisson un avis indiquant le jour et l’heure prévue de la visite. L’Office croyait à tort que cela lui donnait le droit d’entrer dans le logement.
« Le Tribunal est en désaccord avec la position prise par la représentante (de l’OMH) et agir de cette façon constitue une violation de demeure, écrit le juge administratif. Si le locataire ne donne pas accès à son logement malgré un avis, il est du ressort du Tribunal (i.e. Régie du logement) de rendre une ordonnance d’accès et la défenderesse ne pouvait se faire justice elle-même. »
Pour rendre sa décision, le juge invoque les articles 7 et 49 de la Charte des droits et libertés de la personne. L’article 7 pose clairement le principe que « La demeure est inviolable. » L’article 49 indique in fine qu’en « cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages exemplaires. »
Le locataire a obtenu 100 dollars plus les frais.
L’OMH n’a pas l’intention de porter la décision en appel.
Quelle leçon tirer de ce jugement? Un avis indiquant le jour et l’heure de la visite d’un OMH ne suffit pas. L’OMH doit obtenir l’accord du locataire, donc prendre rendez-vous.
Pour accéder à la décision et la présenter au besoin à votre OMH : http://citoyens.soquij.qc.ca/php/decision.php?ID=4BB0EF6E8F104D8574C08831046EA77E
Doit-on peinturer son logement avant de le quitter?
La Régie du logement est divisée sur la question de savoir si un locataire doit peinturer son HLM avant de le quitter. Notons que cette pratique est peu fréquente dans le marché privé.
L’article qui s’applique en ces circonstances est l’article 1890 du Code civil du Québec. Il stipule que « Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l’état où il l’a reçu, mais il n’est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l’usure normale du bien ou d’une force majeure.
L’état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu’en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail. »
En se basant sur cet article, Marc Landry, juge administratif à la Régie du logement, estime qu’â l’exception d’une preuve spécifique de mauvais état, on doit considérer que le logement a subi une usure normale. Dans la décision OMH de Sherbrooke c. Grandbois, rendue le 18 janvier 2017, il affirme que « Les frais de peinture ne sont pas accordés puisque la locataire a séjourné une dizaine d’années au logement. Il est normal d’avoir à repeindre après la durée d’un tel séjour. Il s’agit d’usure normale. »
Si vous décidez de ne pas repeindre votre logement avant de le quitter, la Fédération des locataires de logements municipaux du Québec (FLHLMQ) vous suggère de photographier l’intérieur de votre logement afin de pouvoir prouver, le cas échéant, qu’il n’a subi qu’une usure normale.
Un trouble de voisinage peut-il conduire à une diminution de loyer?
L’arrivée d’une famille comptant des adolescents a perturbé la quiétude des autres locataires et celle d’un président de l’association d’un HLM dans la région de Gatineau. Si bien que ce président, Yvon Delisle, a pris recours devant la Régie du logement, demandant une ordonnance pour que l’OMH fasse cesser les troubles. Il demandait en plus une diminution de loyer pour perte de jouissance d’un bien (son logement).
Les fauteurs de troubles ne sont pas que les jeunes du HLM concerné, mais aussi les jeunes du voisinage. Qui plus est, des coquerelles se promènent dans l’immeuble.
Voyons les faits. Photos en mains, la juge administrative de la Régie du logement, Anne A. Laverdure, accepte en preuve que « les jeunes brisent à de nombreuses reprises les serrures, volent des clés, font des graffitis sur les murs des couloirs, brisent des conduites d’eau en les faisant geler, laissent traîner des déchets dont des bouteilles cassées dans les couloirs ou sur le terrain, urinent et défèquent dans les couloirs. »
Quant à l’office d’habitations de Gatineau, il démontre avoir pris des moyens pour améliorer la situation, notamment par des rondes plus fréquentes de ses employés. La locatrice « s’est affiliée différents groupes ayant l’expertise nécessaire avec les jeunes, reconnaît la juge. La locatrice a demandé des subventions pour obtenir le budget qui lui permettra d’embaucher une intervenante du milieu. Bref, elle abordera le problème dans le sens de la réintégration des jeunes. »
La juge Anne A. Laverdure écrit que « Le tribunal n’hésite pas à croire que cette solution était la plus indiquée et la plus prometteuse à long terme. » Elle accordera quand même au locataire une diminution de loyer de 550$ au locataire. Pourquoi?
Pour rendre sa décision, la juge administrative pose trois questions :
- L’office peut-il être responsable des troubles de jouissance causés par les jeunes du quartier?
- Peut-il être responsable des troubles de jouissance causés par d’autres locataires qui ne sont pas identifiés?
- La présence de coquerelles a-t-elle diminué la jouissance des lieux?
Le Code civil du Québec prévoit que le locateur doit « procurer la jouissance paisible » du bien loué. (art. 1854). Ce même article énonce pour le locateur une obligation d’entretien des lieux loués.
La première obligation en est une de résultat, tandis que la seconde en est une de garantie. La différence entre les deux? Contrairement à une obligation de garantie, qui exige « la preuve d’un comportement prudent et diligent », l’obligation de résultat est beaucoup plus lourde. La jurisprudence exige du locateur fautif, pour se libérer de son obligation, « d’expliquer pourquoi il a été dans l’impossibilité de fournir le résultat promis et donc d’établir que l’inexécution est due à une force majeure, à l’acte d’un tiers équivalent à force majeure, ou au créancier lui-même »
Lorsque l’acte devient prévisible, ces moyens de défense s’amenuisent. « La présence des jeunes et la commission d’actes de vandalisme étaient prévisibles, écrit la juge. Les circonstances avaient au départ un caractère de force majeure, le temps le lui a enlevé. Le Tribunal ne remet pas le type d’intervention choisi (par l’OMH), mais il avait des conséquences que la locatrice doit assumer. »
D’autre part, l’article 1859 précise que « le locateur n’est pas tenu de réparer le préjudice qui résulte du trouble du fait qu’un tiers apporte à la jouissance du bien; il peut l’être lorsque le tiers est aussi locataire de ce bien ou est une personne à laquelle le locataire permet l’usage ou l’accès à celui-ci. Toutefois, si la jouissance du bien en est diminuée, le locataire conserve ses autres recours contre le locateur. »
Pour les troubles causés par les tiers, la Régie accorde au locataire la somme globale de 550$ en diminution de loyer. Pour les troubles causés par les autres locataires du même immeuble, le Tribunal accorde 15$. Finalement, pour la présence des coquerelles, dix dollars sont octroyés.
Le demandeur locataire ayant quitté son HLM, la juge ne se prononce pas sur l’ordonnance émise contre l’OMH afin de faire cesser les troubles.
Que retenir d’une telle cause? D’une part qu’il aurait été préférable que le président de l’association regroupe les locataires afin que chacun d’eux monte son propre dossier et que ces dossiers soient ensuite regroupés en une seule cause. Tous les locataires ayant présenté une demande auraient reçu un montant de diminution de loyer.
D’autre part, il faut éviter d’agir seul face aux gangs de jeunes délinquants. Si les locataires décident d’intervenir, ils doivent le faire au nom de leur association après avoir adopté une proposition en ce sens.
Décision de la Régie du logement : Yvon Delisle c. OMH de Gatineau, 5 avril 2017