L’OMH de Saguenay « abuse » des tribunaux pour expulser des locataires, dénonce un groupe
Radio-Canada, publié le 9 avril
L’Office municipal d’habitation (OMH) de Saguenay « abuse » du Tribunal administratif du logement (TAL) afin d’expulser des locataires d'habitations à loyer modique (HLM), dénonce un organisme qui les représente à travers le Québec. L'OMH dit ultimement procéder à peu d'expulsions.
Selon la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ), l’Office municipal d’habitation de Saguenay, qui gère 1905 HLM se trouvant sur son territoire, a inscrit 182 dossiers au tribunal spécialisé en 2023.
En comparaison, la Ville de Montréal, qui administre plus de 20 000 logements, a soumis autour de 200 demandes.
Le nombre de recours en 2023 selon les offices municipaux
Office | Nombre de recours | Pourcentage (par rapport au nombre de logements) |
---|---|---|
Gatineau | 158 | 5,9 |
Laval | 0 | 0,0 |
Lévis | 17 | 1,9 |
Longueuil | 16 | 0,7 |
Montréal | 206 | 1,0 |
Québec | 191 | 3,2 |
Saguenay | 182 | 9,5 |
Sherbrooke | 17 | 1,5 |
Trois-Rivières | 19 | 1,2 |
Ces chiffres ont été comptabilisés à la main par Paul Morin, professeur en travail social à l’Université de Sherbrooke, à l'aide des données des offices municipaux de la province.
À Saguenay, on a la gâchette facile. On utilise les tribunaux. C’est une très vieille mentalité qui a pour effet de marginaliser encore plus les locataires pauvres et vulnérables. C’est contre-productif. Il serait temps que l’Office évolue
, argue Robert Pilon, coordonnateur à la FLHLMQ.
En perdant leur toit, les locataires pourraient se retrouver en situation d’itinérance, souligne-t-il.
Saguenay va 10 fois plus en cour que les autres offices de même grandeur au Québec. Ce n’est pas normal.
Selon lui, l’OMH de Saguenay devrait mettre en place un programme de prévention pour éviter les défauts de paiement.
Nuances
Adam Boivin, le directeur général adjoint de l’OMH de Saguenay, nuance les données avancées.
S’il confirme que son organisme s’est adressé 182 fois aux tribunaux l’an dernier, il mentionne que sur ce total, 90 cas étaient en lien avec des problèmes de comportement ou avec des preuves de revenus manquantes.
Dans les dernières années, avec la Prestation canadienne d’urgence (PCU) notamment, il y a des gens qui ne faisaient pas leur rapport d’impôt. Mais le principe fondamental dans le logement social, c’est le revenu. On a besoin d’avoir les papiers d’impôt pour établir le coût du loyer des locataires
, explique Adam Boivin.
Les 92 autres dossiers concernent effectivement le non-paiement d’un loyer, admet-il, mais son équipe se tourne le plus souvent vers un juge dans le seul but de mettre de la pression sur le locataire.
Le Tribunal administratif du logement est un levier pour Saguenay afin de faire réagir les locataires pour faire payer leur logement. On va chercher un jugement, mais avant de l’appliquer, on s’assure de prendre des ententes avec les locataires, des ententes raisonnables pour qu’ils soient capables de payer leur loyer
, ajoute-t-il.
Peu d'expulsions
Peu de démarches judiciaires mènent à une expulsion réelle, plaide Adam Boivin. En 2023, 21 locataires ont été chassés de leur HLM. Si la personne est mobilisée, si elle s’engage à payer son loyer. On ne mettra personne à la rue.
Assurer une saine gestion
des fonds publics fait également partie des responsabilités de son équipe, rappelle-t-il.
Des équipes sociocommunautaires entrent également en relation avec les personnes dans le besoin.
On envoie des avis aux locataires. On les appelle, on leur demande s’ils ont un problème, s’ils ont des difficultés pour différentes raisons.
Malgré ces arguments, Robert Pilon persiste et signe. Il estime que 21 personnes évincées en 2023, c'est trop. Montréal a mis à la porte 50 personnes à la même période.
D'après un reportage de Claude Bouchard