Alors que les offices de Montréal et de Québec, par exemple, demandent à leurs locataires de les informer rapidement des cas de vermine dans leur logement en les assurant que l’office assumera les coûts d’extermination, d’autres comme l’Épiphanie et L’Assomption exigent jusqu'à 500 $ pour le remboursement des frais.
En plus d’être contre-productive, puisqu’elle décourage les locataires pauvres à signaler rapidement le problème et à plutôt essayer de le traiter eux-mêmes, cette menace de facturation constitue un abus de pouvoir.
La doctrine et la jurisprudence sont claires : la responsabilité de se défaire de la vermine dans un immeuble relève du locateur, pas du locataire. Un règlement d’immeuble qui obligerait le locataire à payer l’exterminateur serait donc illégale.
Ce sont les articles 1854 et 1910 du Code civil du Québec qui déterminent les droits de chacun :
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »
« 1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d’habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.
La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d’habitabilité est sans effet. »
Ayant à décider de la responsabilité du locateur dans un cas de présence de vermine, Jocelyne Gravel, juge administratif à la Régie du logement, a écrit, dans la décision Marcotte c Garita Enterprises (18 juin 2013) : « La volonté du législateur est (…) de faire supporter ces pertes de jouissance du logement au locateur. En effet, les obligations du locateur à l’égard de la condition du logement sont dites de résultats. »
Le locateur doit agir rapidement. Dans le dossier Marcotte, le locateur avait attendu cinq jours, à cause du congé de la Fête nationale du Québec, le 24 juin. Délai trop long, tranche la juge, qui pour cette raison a accordé une somme de 750$ en compensation des frais de séjour à l’hôtel pendant cinq jours. Une réduction de loyer de 250$ sur un loyer mensuel de 775$ a aussi été accordée, pour la période allant du 22 juin au 3 août, date d’extermination complète de la vermine.
Dans Soudre c. l’OMH de Montréal, décision de la Régie du logement rendue le 28 octobre 2015, Jocelyne Gascon, juge administratif, rejette la thèse qui voudrait rendre le locataire responsable de l’extermination des punaises de lit. « L’obligation de la locatrice est de prendre tous les moyens pour le résoudre sans tarder, avec les meilleurs experts, et ce, dès le début du problème. Son obligation est de résultat ou de garantie et non pas un de moyen. »
Jocelyne Gascon précise que la « simple diligence raisonnable » ne constitue pas un moyen de défense valable afin de contrer une requête en dommages-intérêts pour compenser les inconvénients. « Cette décision va donc à l’encontre d’une tendance jurisprudentielle qui diminuait l’intensité des obligations des propriétaires, et cela, aux dépens des droits des locataires », écrivent les Services juridiques communautaires de Pointe St-Charles et Petite-Bourgogne (Montréal), dans une note du 29 janvier 2016.
Les recours ouverts au locataire aux prises avec la vermine sont donc d’informer le locateur de la situation et de l’obliger à agir. Il peut aussi obtenir une réduction de loyer en prenant un recours devant la Régie du logement. Quant aux dommages-intérêts, la jurisprudence n’est pas unanime à ce sujet.
Un locataire négligent pourra aussi faire face à ses responsabilités. Un office pourrait poursuivre en dommages un locataire qui refuse d’informer le locateur de la présence de vermine dans son logement, qui refuse de collaborer à l’extermination ou qui a manifestement fait preuve de négligence en entrant, par exemple, un matelas infesté de vermine dans son logement.
Le bon message à livrer aux locataires est de dire que personne n’est à l’abri de la venue de vermine dans son logement et qu’il faut rapidement en signaler la présence afin de permettre à l’office d’agir rapidement et à moindre coût pour le bénéfice de l’ensemble des locataires de l’immeuble. C’est pourquoi les bons règlements d’immeubles indiquent que l’office assumera les coûts de l’extermination et non pas que le locataire risque de se voir refiler la facture.