Radio Canada vient de publier un article sur la situation scandaleuse vécue à l'office d'habitation du lac Abitibi: laxisme dans la location des logements, mépris des locataires qui posent des questions, menaces contre les membres du CCR, etc.
La FLHLMQ est de tout coeur avec les locataires qui ont raison de se plaindre et nous souhaitons une intervention musclée de la part de la SHQ pour rétablir la transparence et le respect des règles de participation dans cet office. Surtout, et ce n'est pas mentionné dans le reportage, que tous les locataires membres du CCR ont reçu une mise en demeure en provenance de l'OH dans le but de les intimider. Du jamais vu !
Comment a-t-on découvert que des logements sociaux étaient vides en Abitibi-Ouest?
Des locataires de HLM ont agi comme lanceurs d'alerte dans ce dossier. Le journaliste Jean-Marc Belzile explique comment il a réussi à confirmer leurs informations.
Des HLM inoccupés depuis des années en pleine crise du logement
Radio Cada Abitibi-Témiscamingue
En pleine crise du logement, plusieurs habitations à loyer modique (HLM) gérées par l’Office d’habitation du lac Abitibi sont inoccupées en Abitibi-Ouest. Une situation qui perdure depuis des années et aucune solution n’a été trouvée.
Dans la petite municipalité de La Reine qui compte un peu plus de 300 habitants, 11 habitations à loyer modique (HLM) sont disponibles, mais seulement cinq sont occupées. Plusieurs de ces logements sont vides depuis plusieurs années.
La mairesse Fanny Dupras-Rossier précise qu’elle a tenté à quelques reprises d’obtenir des explications, mais sans succès. On pose des questions, mais c’est difficile d’obtenir des réponses claires
, explique-t-elle.
À Palmarolle, 4 des 10 logements en HLM ne sont pas occupés. Depuis longtemps. À Palmarolle, on peut lire dans le plan d’action de la municipalité 2015-2017 qu’il s’agissait déjà d’un problème. La municipalité réclamait des changements en proposant de sensibiliser les administrateurs du HLM afin qu’ils abaissent l’âge d’admissibilité à 55 ans
.
Les ménages qui habitent dans un HLM paient 25 % de leurs revenus pour le logement. Pour être admissible à un HLM en Abitibi-Ouest, une personne seule ne peut gagner plus de 25 000 $ et le revenu du ménage ne doit pas dépasser 37 000 $ pour une famille de 4 ou 5 personnes. Certains HLM exigent aussi un âge minimum, comme c’est le cas à Palmarolle.
Ces logements libres coûtent cher puisque c’est la municipalité qui paie en partie pour les frais. Le déficit est payé à 90 % par la Société d’habitation du Québec (SHQ), et à 10 % par les municipalités. Des municipalités qui, dans la plupart des cas, n’ont pas énormément d’argent.
C’est l’Office d’habitation (OH) du lac Abitibi qui gère les HLM de La Sarre, Palmarolle, La Reine, Normétal et Dupuy. Selon les responsables, 15 logements sur 104 sont libres. Après vérifications, Radio-Canada a pu constater que ce chiffre est sous-estimé.
Il y a plus d’une vingtaine de logements qui sont inoccupés, dont certains près du centre-ville de La Sarre.
La directrice générale de l’OH, Mylène Joseph, précise que ces logements sont libres puisqu’il n’y a pas de demandes dans ces municipalités.
Interrogée à savoir si les critères pouvaient être modifiés, elle assure que tous les scénarios sont envisagés.
Cette situation est malheureuse, mais n’est pas exceptionnelle quand il s’agit d’immeubles à bonne distance des services. Nous continuons de travailler avec l’Office en place pour trouver des solutions et permettre dès que possible la location de ces logements. Des assouplissements sont aussi possibles et permettent également de favoriser les locations
, explique pour sa part la Société d’habitation du Québec (SHQ) par courriel.
À la Fédération des locataires des HLM du Québec, on estime que les critères auraient dû être modifiés.
Dans d’autres offices, ça s’est vu, il y a une possibilité par décret d’augmenter le plafond de revenus admissibles lorsqu’on n’arrive pas à louer les logements. Ça s’est fait dans plusieurs régions, dont dernièrement en Gaspésie. Il faut que des démarches soient entreprises pour que ces logements ne restent pas vides alors qu’on est en pleine crise du logement
, explique la coordonnatrice Patricia Viannay qui dit aussi recevoir des appels de citoyens mécontents d’Abitibi-Ouest.
Moi, je sais que je reçois des appels de locataires qui disent qu’ils sont admissibles, mais qui n'arrivent pas à appliquer. Ils ne comprennent pas pourquoi ils n’étaient pas sur la liste d’attente alors qu’il y a des logements vacants.
Difficile d’obtenir des réponses
La directrice générale de l’Office d’habitation du lac Abitibi, Mylène Joseph, estime pour sa part que la relation avec les différents villages est bonne, précisant que chaque municipalité a un représentant au sein du conseil d’administration (CA) de l’Office.
Ce même CA a tout de même adopté le 13 juin 2023 une résolution pour rappeler aux municipalités qu’elles n’ont aucun pouvoir décisionnel.
Il est résolu d’envoyer une lettre aux municipalités/villes leur expliquant que malgré leur contribution de 10 %, les décisions concernant les HLM reviennent à l’OHLA uniquement
, peut-on lire dans le procès-verbal.
Le Comité consultatif des résidents (CCR) créé en 2019 pour représenter les résidents des HLM au sein du conseil d’administration de l’OH est aussi d’avis que l’information est difficile à obtenir. Le président Jacques Mailhoux dit avoir pris la décision de s’impliquer pour comprendre ce qui peut expliquer ces logements inhabités.
Quand on entend le monde nous dire ou nous téléphoner pour nous dire : “On voudrait avoir un loyer, mais on n’est pas capable de rejoindre la DG”. Ça me met en feu bien raide, j’ai de la misère à accepter ça
, explique-t-il.
Le comité tente depuis mars 2023 d’obtenir des réponses auprès de la directrice générale de l’Office d’habitation du lac Abitibi, Mylène Joseph, mais la communication est très difficile.
En mars 2023, le CCR a d’abord demandé les procès-verbaux et les ordres du jour des rencontres du conseil d’administration de l’Office municipal d’habitation. La directrice générale leur répond alors qu’ils doivent passer par la Loi sur l’accès à l’information.
Nous ne pouvons vous transmettre les documents sans respecter ce processus
, écrit-elle le 27 avril 2023.
Lors d’un entretien téléphonique avec Radio-Canada le 9 septembre dernier, elle réitère cette position.
La demande du CCR est pourtant légitime et n’a pas à passer par l’accès à l’information.
C’est écrit directement dans la Loi. Ce qui est écrit noir sur blanc, c’est que le CCR a le droit d’avoir accès aux procès-verbaux, de rencontrer aussi le conseil d’administration une fois par année
, explique Patricia Viannay, coordonnatrice de la Fédération des locataires des HLM du Québec.
C’est finalement après des mois de démarches des membres du CCR et l’intervention de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec qu’ils ont reçu les procès-verbaux en décembre 2023. Toutefois, à ce jour, le comité n’a toujours pas pu consulter, comme le prévoit la loi, le rapport annuel et le budget de l’Office d’habitation du lac Abitibi.
Refus de financer le CCR
Le guide de gestion du logement social prévoit aussi que l’Office d’habitation doit financer le CCR à raison de 30 $ par logement par année pour permettre d’organiser des activités au profit des locataires, mais l’Office d’habitation du lac Abitibi refuse de fournir cet argent au comité.
Il n’y a pas moyen d’avoir notre argent d’association pour fonctionner. Il faut que ce soit les locataires qui déboursent de leurs poches pour une activité et ils attendent ensuite pour se faire rembourser, mais ça peut être long
, explique la secrétaire du comité, Blaise Boisvert.
Questionnée à ce sujet, la directrice générale de l’OH, Mylène Joseph, n’a pas voulu répondre, affirmant qu’il s’agit d’une question en lien avec la gestion interne.
En théorie, il n’y a pas de raison que ce soit l’Office qui gère elle-même l’argent. En fait l’Office fait juste recevoir l’argent de la SHQ pour la donner aux associations
, affirme pour sa part Patricia Viannay.
Aucun locataire au conseil d’administration
Le conflit actuel entre les membres du Comité des résidents et la directrice générale de l’Office d'habitation fait en sorte que les résidents ne sont plus représentés au conseil d’administration, mais le dialogue est aussi nul entre les deux parties depuis plus d’un an.
La Loi sur la SHQ prévoit que deux ou trois locataires siègent au conseil d'administration d'un office d'habitation, mais dans le cas du lac Abitibi, aucun locataire n’est présent.
Jacques Mailhoux et Blaise Boisvert précisent que les membres élus de leur organisation n’ont jamais été invités à participer.
Mylène Joseph dit refuser les nominations du CCR puisque, selon elle, leurs élections n’étaient pas conformes. Ils empêchaient des gens de voter, qui avaient pourtant le droit de voter
, explique-t-elle.
De leur côté, Blaise Boisvert et Jacques Mailhoux assurent que tout a été fait dans les règles. Ils précisent par ailleurs avoir demandé à l’Office d'habitation la liste complète des locataires, comme le prévoit la loi, mais que la directrice a refusé de leur donner cette information.
On a essayé avec la Société d’habitation du Québec de les asseoir ensemble, ça n’a rien donné à date. La Société d’habitation du Québec a enfin pris la décision de vraiment plus analyser la situation, car la directrice se sent harcelée par les locataires qui veulent absolument s’impliquer et les locataires se sentent harcelés par la directrice qui ne veut visiblement rien savoir
, explique pour sa part Patricia Viannay, qui tente depuis plus d’un an d’agir à titre de médiatrice dans ce conflit.
La députée d’Abitibi-Ouest, Suzanne Blais, dit avoir été avisée du taux d’occupation des HLM et des tensions entre les résidents et la directrice générale de l’OH, mais a refusé de commenter.
Je suis au fait de la problématique et on continue de travailler avec les acteurs concernés pour trouver des solutions et permettre dès que possible la location de ces logements. Des assouplissements sont aussi possibles et permettent également de favoriser les locations
, nous a fait savoir son bureau par courriel.
La MRC d’Abitibi-Ouest a aussi refusé de commenter la situation. La MRC précise par courriel avoir eu des discussions avec les deux offices d’habitation de la localité, soit l'Office municipal d'habitation Arc-en-ciel et l'Office d’habitation Lac Abitibi.
La MRC mentionne que le comité n’intervient pas dans la gestion interne des différents promoteurs
.
Le président du CCR, Jacques Mailhoux, dit avoir déposé une plainte à la Société d’habitation du Québec, mais qu'elle n'a abouti à aucun changement.
Pour que la plainte soit valable, il faut que chaque personne fasse une plainte. Ce sont des personnes âgées. Comme le HLM à Normétal, il y a une personne sur 20 loyers qui a un ordinateur, le monde ne veut pas toucher à ça, ça leur fait peur. On est leurs représentants, on devrait être capable de les représenter, mais non, eux autres, c’est personne par personne
, précise-t-il.
Jacques Mailhoux déplore que dans le conflit actuel entre lui et l’Office d’habitation, ce soient les locataires qui en paient le prix.
Photo: Radio Canada - Jacques Mailloux, le président du CCR avec Blaise Boisvert, la secrétaire.