Même si la FLHLMQ encourage les locataires à dialoguer avec leur office respectif pour trouver des terrains d’entente et que la SHQ leur demande de favoriser le règlement à l’amiable des conflits, il arrive assez régulièrement que des locataires aient des plaintes à formuler. Quels recours sont alors à la disposition des clientèles vulnérables et des personnes âgées lorsque celles-ci se considèrent victimes d’une injustice dans le réseau des HLM ?
Le Service à la clientèle de la SHQ
Depuis que la SHQ a reçu l’ordre de donner plus d’autonomie aux offices, la majorité des plaintes en provenance des locataires ne constituent plus des plaintes recevables à ses yeux car elles concernent « un programme délégué à un partenaire de la SHQ sur lequel il détient l’autorité administrative pour la définition des règles d’application ».
En vertu de cette définition, la SHQ ne se considère pas responsable de ce qui se passe dans les offices puisqu’il revient au conseil d’administration des offices d’être imputable de ses actes. Les locataires sont donc priés d’adresser leurs plaintes à leur office et non pas à la SHQ.
C’est en raison de cette définition extrêmement limitative que la SHQ rapportait fièrement, dans son rapport annuel de gestion pour 2008, que seulement 69 plaintes de locataires s’étaient révélées fondées. Imaginez seulement 69 plaintes sur les 60 326 ménages qui vivent dans les HLM du Québec. Avec un tel résultat, bien meilleur que le Ritz-Carlton de Montréal qui n’affiche qu’un petit 96,4 % de satisfaction de sa clientèle, on pourrait penser que 99,9 % des locataires sont satisfaits de la qualité de leur logement et des services de leur office.
La gestion des plaintes dans les offices
En 2007, le gouvernement du Québec a adopté le Code de déontologie des dirigeants et administrateurs d’un office d’habitation. Ce code a pour but de garantir la gestion rigoureuse des offices en reconnaissant « les responsabilités et l’imputabilité des CA des offices ».
Il contient plusieurs dispositions intéressantes sur le respect de la dignité de la clientèle, la nécessité d’être à l’écoute de leurs besoins et de résoudre les conflits à l’amiable. Il prévoit également que le PDG de la SHQ ait le pouvoir de sanctionner ceux et celles qui ne le respecteraient pas.
Cependant, qu’arrive-t-il lorsqu’un-e locataire se sent lésé-e dans ses droits par la direction de l’office ? « Il ou elle doit en appeler au conseil d’administration de l’office » de répondre le Service à la clientèle de la SHQ. Si plusieurs offices ont des politiques de traitement des plaintes très respectueuses des locataires, ce n’est cependant le cas dans l’ensemble des 544 offices au Québec. Un sondage réalisé auprès des locataires administrateurs dans 188 offices par la FLHLMQ, en mai 2009, révèle que 35 % des CA d’office refusent catégoriquement de discuter des plaintes en provenance des locataires. Certains CA n’ont pas le goût de se réunir trop souvent ou trop longtemps et affirment donc que c’est du directeur ou de la directrice, seul de prendre les décisions concernant les locataires. Les locataires mécontents n’ont alors aucun droit d’appel malgré le beau discours en faveur « des responsabilités et de l’imputabilité des CA des offices. » Si la SHQ encourage le CA des office à se doter d’une politique pour assurer le traitement des plaintes, elle refuse d’en faire une obligation auprès des offices pour ainsi respecter leur autonomie.
Comme dans les douze travaux d’Astérix, un locataire insatisfait de la réponse du directeur ou de la directrice peut s’adresser à la SHQ pour se faire répondre de faire appel au CA de son office qui refusera de l’écouter en prétextant que c’est à la direction de l’office de traiter des plaintes des locataires.
La FLHLMQ encourage les locataires siégeant au CA des offices à proposer officiellement l’adoption d’une politique respectueuse de traitement des plaintes qui offre un droit d’appel aux locataires en impliquant les membres du CA de l’office dans la résolution des conflits.
L’application du Code de déontologie des dirigeants et administrateurs
Même si le code est en vigueur depuis trois ans dans un réseau composé de près de 4 000 dirigeants et administrateurs d’office, seulement deux sanctions ont été imposées. Au dire de la SHQ, du ROHQ et de l'ADOHQ, ces sanctions ne devraient pas être publicisées pour ne pas nuire à la bonne réputation des contrevenant-e-s.
Ce n’est cependant pas le point de vue de la FLHLMQ. Nous croyons, au contraire, que ces décisions doivent être connues car sinon à quoi sert le beau discours sur «les responsabilités et l’imputabilité du CA des offices»? Les locataires sont en droit de savoir si les personnes qui ont la charge publique de les administrer agissent de la bonne façon dans le respect des règles de déontologie imposées par le gouvernement du Québec.
Nous avons donc réalisé des entrevues avec les deux personnes qui ont déposé des plaintes en déontologie en 2009 et qui ont gagné leur cause lorsque le PDG de la SHQ, John MacKay, a décidé d’imposer des sanctions en 2010.
Nous félicitons les personnes qui ont le courage de dénoncer les comportements indignes de la part des gestionnaires ou des administrateurs, car c’est seulement ainsi que nous pourrons assurer sur le terrain, dans les 544 offices, une gestion rigoureuse mais aussi une gestion respectueuse des locataires.
Il s’agit cependant d’une procédure presque judiciaire qui demande de longues et de patientes démarches et nous sommes conscients que plusieurs locataires craignent d’être victimes de représailles.
L’utilisation de la Régie du logement
À défaut de pouvoir dialoguer avec son office pour trouver des arrangements raisonnables, la FLHLMQ doit encourager de façon plus active les locataires à utiliser le recours aux services de la Régie du logement. Il existe plusieurs jugements par lesquels des locataires ont obtenu des réductions de loyer pour forcer les offices à faire certains travaux de rénovation, à dédommager les locataires lors de travaux dérangeants et lors de problèmes de voisinage nuisant à la jouissance paisible des lieux.
La Régie du logement a cependant des pouvoirs limités en matière de gestion des HLM et il serait faux de prétendre que les personnes qui se croient lésées et qui sont souvent parmi les plus vulnérables de notre société peuvent utiliser facilement ce recours. La FLHLMQ a donc produit « L’ABC des droits des locataires de HLM » qui explique les sujets sur lesquels les locataires insatisfaits peuvent recourir à la Régie.
Il manque un droit d’appel simple et efficace
À la FLHLMQ, nous sommes convaincus que dans une grande majorité des offices les locataires peuvent obtenir satisfaction dans un processus simple où les résidant-e-s dialoguent avec la direction de leur office et, en cas de désaccord, s’adressent aux membres du conseil d’administration de leur office dans l’optique de régler à l’amiable les conflits comme le prévoit l’article 32 du Code de déontologie.
Cependant, il reste les cas problématiques. Que faire lorsque le CA d’un office refuse d’assumer sa responsabilité ou adopte des positions injustes ? Historiquement, la FLHLMQ a toujours réclamé que la SHQ assume cette responsabilité d’arbitre mais c’est de moins en moins le cas comme en témoigne la nouvelle politique de son Service à la clientèle. Les conseillers en gestion ont ordre de ne pas se substituer au CA des ofices et n’en ont pas les moyens légaux. Ils ont peur de se faire dire : «si vous voulez gérer à notre place, voici les clés !»
À défaut, les autres options sont d’encourager les locataires à demander l’intervention du ministre des Affaires municipales ou de se plaindre dans les journaux. Ce qui nous éloigne de la démarche de partenariat que nous développons avec bon nombre d’offices au Québec. Le CA de la FLHLMQ va donc réfléchir dans les prochains mois aux autres mécanismes possibles : ombudsman, conseil des sages, médiation volontaire, arbitrage obligatoire, etc. et notre congrès de juin 2011 pourra se prononcer sur la meilleure solution à revendiquer.