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2e plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale : Il est possible de créer des emplois pour les locataires de HLM

Soumis par Anonyme (non vérifié) le

Récemment, le ministre Lessard mettait au défi la FLHL MQ de lui soumettre une proposition concrète à inclure dans le prochain Plan de lutte contre la pauvreté que le gouvernement doit adopter prochainement. Nous lui avons proposé de suivre l’exemple des régies de quartiers1 dans les HL M français et d’utiliser les activités économiques des offices pour créer des emplois pour les locataires.

 La réalité des familles en HLM Le parc de logements HLM du Québec compte 26 440 familles. Plus de 65 % de ces familles, soient 17 186, sont concentrées au sein de 9 municipalités comptant plus de 100 000 habitants.

30 326 locataires de HLM sont prestataires de la sécurité du revenu2. Parmi eux :

  • 9 877 sont âgés de 45 ans et moins, et 20 449 ont plus de 45 ans ; 
  • près de 38 % souffrent de contraintes sévères à l’emploi tandis que 30 % n’ont aucune contrainte à l’emploi ;
  • Plus de 50 % possèdent un niveau de scolarité inférieur à celui de secondaire 5 ; 
  • près de 33 % habitent Montréal ; 
  • environ 70 % des 30 000 ménages sont constitués de mères monoparentales ; 
  • de ce nombre, seulement 8 % déclarent des revenus de travail.

Il y a donc près de 9 000 personnes, très majoritairement des cheffes de familles monoparentales, aptes au travail, et 9 000 autres, ayant des contraintes temporaires, regroupées dans les ensembles HLM des grandes villes du Québec.

Même si dans ces habitations, le taux de sans emploi est de deux à trois fois plus élevé que dans les quartiers les plus pauvres du Canada, un comité de travail de la SHQ concluait, en janvier 20073, concernant les diverses mesures d’employabilité mis en place par le gouvernement que : « bon nombre de ménages vivant en HLM présentent divers besoins particuliers mais peinent à accéder aux ressources en raison du manque d’accessibilité et de la complexité des démarches entourant le recours à celles-ci. Il découle de cette situation que les services ou ressources en place n’ont que peu d’impacts dans les HLM ».

Ces réalités expliquent pourquoi il est si important que le gouvernement prenne l’initiative d’annoncer des mesures spéciales pour lutter contre l’exclusion sociale dans les HLM.

Initiatives dans les HLM Plusieurs offices d’habitation ont pris l’initiative aux cours des dernières années d’impliquer les locataires dans diverses tâches sur une échelle plus ou moins grande.

Ainsi, par exemple, à Lévis et à Thetford Mines, les offices emploient des locataires pour faire le ménage dans les espaces communs comme les halls d’entrée, les couloirs, les escaliers, les salles communautaires, etc.

Près de 60 locataires sont rémunérés à forfait et font le travail demandé à leur rythme. Les revenus ainsi obtenus permettent aux locataires d’arrondir leur fin de mois sans dépasser le montant permis par l’aide sociale (200 $).

Ils et elles ne perdent pas ainsi leurs avantages comme bénéficiaires de la sécurité du revenu.

Cette approche est surtout intéressante comme revenu d’appoint pour des personnes ayant des contraintes temporaires ou sévères à l’emploi.

Allant plus loin dans la perspective de créer des emplois et de développer l’employabilité des locataires qui le peuvent, des offices comme Drummondville et Trois-Rivières ont pris des initiatives plus élaborées.

À Drummondville, l’office et ses partenaires locaux ont aidé les locataires à former une coopérative de travailleur-se-s pour faire l’entretien des espaces communs ainsi que le déneigement des allées piétonnières.

Comme, pour l’instant, l’office est le seul client de la coopérative, les revenus engendrés ne fournissent qu’un revenu d’appoint à la vingtaine de locataires impliqués. Mais il existe une possibilité réelle que l’obtention de nouveaux contrats avec d’autres clients permettent d’augmenter le nombre d’heures travaillées pour ceux et celles qui souhaiteraient en vivre. La coop n’a cependant pas les ressources humaines pour faire le démarchage nécessaire pour trouver ces nouveaux contrats ! À Trois-Rivières, l’office, la municipalité, un groupe d’économie sociale (ÉCOF) et des associations de locataires forment le conseil d’administration d’un organisme indépendant appelé Multi-Boulot.

Celui-ci a été créé afin de mettre en mouvement (insertion sociale) et de développer l’employabilité (insertion économique) des locataires de HLM de la ville.

Le volet « mise en mouvement » permet aux gens de contribuer à la communauté, par exemple, en tenant des comptoirs vestimentaires, en distribuant des denrées alimentaires, etc., à concurrence de 15 à 20 heures par semaine pour avoir une prime mensuelle. Le volet « insertion », quant à lui, offre une opportunité aux locataires de développer une expérience de travail en s’occupant de l’entretien des espaces verts, du déneigement et de diverses tâches d’entretien tant pour le compte de l’office que pour la ville. Une trentaine de participant-e-s à Multi-Boulot ont ainsi la chance de retourner progressivement sur le marché du travail chaque année. Mais malgré ses succès, Multi-Boulot éprouve d’énormes difficultés à rémunérer son équipe de coordination.

Le modèle des régies de quartiers en France Pour prouver qu’il est possible d’aller beaucoup plus loin pour créer des emplois pour les locataires de HLM au Québec en utilisant les budgets déjà alloués aux offices (près de 400 millions $), nous souhaiterions que le gouvernement s’inspire du modèle des régies françaises qui nous ont démontré leur grande efficacité.

La régie est un organisme indépendant dirigé par un conseil d’administration mixte. Au Québec, nous considèrerions que les régies sont des entreprises d’économie sociale.

La mission première de la régie consiste à créer des emplois pour favoriser l’insertion sociale et professionnelle des locataires à travers des activités comme le nettoyage des espaces communs, l’entretien des espaces verts, la surveillance et les menus travaux de peinture et de réparation. Ces activités économiques qui assurent la base financière de la régie lui permettent ensuite d’initier d’autres initiatives sociales utiles aux habitant-e-s du quartier, comme des repas communautaires, de l’aide aux devoirs, des fêtes, du sport pour les jeunes et différentes activités de médiation favorisant l’intégration, la solidarité et la cohabitation harmonieuse des habitant-e-s.

Si la quasi-totalité des régies bénéficient d’une aide importante au démarrage provenant de l’État et des pouvoirs locaux, près de 80 % de leur chiffre d’affaire proviennent des contrats obtenus auprès des offices d’habitation qui sont généralement leur principal client. Elles engagent entre 40 et 50 salarié-e-s et représentent souvent le premier employeur du quartier en terme d’offre d’emplois.

Mais au-delà de leurs activités économiques, les régies sont surtout fières de développer un cercle vertueux qui favorise la participation directe des habitant-e-s comme salarié-e-s et, au sens plus large, comme citoyen-ne-s. C’est d’ailleurs le principe fondateur des régies que de penser «que la participation, l’implication et la responsabilisation des habitant-e-s sont les seuls gages d’une amélioration durable»4.

Notre proposition Ces différentes initiatives prouvent qu’il est possible de créer des emplois et d’offrir une expérience de travail intéressante et enrichissante tant sur le plan humain que professionnel à un bassin de près de 20 000 locataires concentrés dans les gros offices du Québec. Cependant, malgré les meilleures intentions du monde, ces initiatives ne peuvent s’autofinancer à court terme sans l’aide du gouvernement.

C’est pourquoi nous avons besoin que le gouvernement annonce dans son plan de lutte à l’exclusion sociale la création d’un fond d’un millions $ permettant de suivre l’exemple des 137 régies de quartiers en France.

Pour que tout devienne possible, il suffirait que le gouvernement offre 100 000 $ annuellement, pour une période de 3 ou 5 ans, à des organismes sans but lucratif créés spécifiquement pour générer des emplois dans les HLM des grandes villes au Québec. Une telle mesure aurait un effet structurant en permettant de réunir dans un partenariat efficace les associations de locataires, les offices et les organismes locaux oeuvrant en économie sociale et en employabilité.

Ces OBNL pourraient rapidement développer des emplois temporaires ou permanents dans des services de proximité, entretien, espaces verts, en utilisant le logement comme point d’ancrage. Il serait ainsi possible d’insérer socialement et professionnellement des centaines de locataires tout en améliorant les services offerts aux familles les plus pauvres.

Nos ministres à Québec sollicitaient des nouvelles idées audacieuses en provenance du terrain pour lutter contre la pauvreté, voyons maintenant s’ils auront à leur tour la capacité de les appuyer !

 

1 Bulletin no 58 de la FLHLMQ, «Les régies de quartiers dans les HLM français .

2 Rapport final, Comité sur la pauvreté et l’exclusion sociale, Table de concertation sur les HLM publics, janvier 2007.

3 Idem.

4 Charte nationale des régies de quartier.